Je suis arrivé sur le port de commerce de Lorient par hasard, à la recherche de ce « no-mans land » esthétique qu’apprécient les rêveurs, les photographes. Un lieu ou l’imaginaire se permet tout. Carrefour industriel entre la ville et la mer, les ports maritimes doivent leur existence à la volonté humaine. Ville et port imbriqués l’un dans l’autre, se développent souvent ensemble. L’histoire d’une ville est toujours liée à son port et réciproquement. Lorient est un port de « taille humaine ».
Le port sert d’abri aux navires et permet d’effectuer différentes opérations commerciales : transbordement de passagers, chargement et déchargement de marchandises, approvisionnement en vivres et en combustible, opérations d’entretiens ou de réparations. Au cœur de tout cela, il y a l’homme, qu’il soit lamaneur, grutier, docker, agent d’assurance, douanier…, véritable rouage d’une organisation très complexe. Entre le personnel portuaire, les marins et les promeneurs, le port est rarement désert. C’est le lieu de toutes les rencontres, de tous les échanges, un espace hors du temps.
Une interrogation me traverse l’esprit : qu’est-ce qui fait que l’on choisit un métier en relation avec la mer et le déplacement, mais que l’on reste à terre. Je ne pourrai pas travailler sur le port, j’aurais toujours envie de partir, d’embarquer sur le premier bateau, d’oublier beaucoup de choses, de laisser son quotidien sur le port telle une valise ou un baluchon oublié. En pensant que c’est mieux ailleurs…
J’ai eu aussi envie, par ras-le-bol des gains de productivité que la société actuelle impose, de mettre en valeur le travail humain, et par là même de figer dans le temps un témoignage avant la possible disparition de ces métiers soumis à des objectifs de « rationalité ».
J’y ai aussi rencontré des personnages attachants !
Le docker et le grutier travaillant au déchargement de bateaux œuvrent en symbiose, l’un est l’œil, l’autre les bras, le tout dans un ballet bien rodé. Au regard d’un profane, cela semble être répétitif, pourtant beaucoup de paramètres entrent en compte : équilibrer le déchargement, contrôler le ballant de la benne ainsi que sa prise au vent, veiller aux personnes circulant sur le port. À chaque godet ce sont des tonnes de marchandises qui changent d’univers : soja du brésil, fonte des pays de l’Est, farine de poisson des pays du Nord. Ne pas se fier à la douce tranquillité de cette démesure industrielle, le temps y est compté. Le bateau ne doit pas rester à quai plus de temps qu’il n’en faut.
Les photographies et la réalisation sonore se mêlent, se confrontent et résonnent, offrant une vision originale et sensible d’un univers méconnu et souvent fantasmé : le port de commerce. Ce film laisse la parole au personnel portuaire de Lorient. Il est docker, grutier, lamaneur, elle est magasinière… Au gré des images, tous nous livrent leurs raisons et leur choix d’être présents en ce lieu.